24/06/2025 - Ecouter pour mieux soigner : IFEP et HAD, récit d’une grande collaboration au service du patient Expérience patient

Expérience patient en HAD

Le 1er juillet 2024 marquait une première en France : l’Hospitalisation à Domicile (HAD) de la Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon engageait une démarche d’expérience patient, avec l’accompagnement de l’Institut Français de l’Expérience Patient (IFEP).


Réunions de cadrage, immersions sur le terrain, ateliers avec les équipes et les usagers : après un an de collaboration, le programme entre dans sa phase de déploiement. Et ce 24 juin, à l’occasion de la Journée annuelle de l’expérience patient dans le 13e arrondissement de Paris, l’HAD prend la parole pour partager son retour d’expérience.

Dans le même temps, Camille Baussant-Crenn (HAD) et Amah Kouévi (IFEP) reviennent sur les grandes étapes de ce partenariat inédit, les enseignements tirés, et les premiers effets concrets pour les patients comme pour les soignants. Témoignages croisés. 

 

Comment définissez-vous l’expérience patient ?

Amah Kouévi (IFEP) : L’expérience patient, c’est tout ce qui est vécu et perçu par une personne au cours de son parcours de santé. Nous en donnons une définition assez large car l’expérience patient inclut beaucoup de choses : les évènements vécus, le ressenti, les interactions avec les professionnels, etc…

Camille Baussant-Crenn (HAD) : Je m'appuie sur la définition de l'IFEP qui définit l'expérience patient comme l'ensemble des situations et des interactions vécues par une personne ainsi que son entourage tout au long de son parcours de santé. Cela va bien au-delà des soins, cela inclut toutes les relations avec les différents professionnels, les démarches, l'environnement ... L'expérience patient, c'est prendre en compte le point de vue et le vécu du patient pour adapter et faire évoluer les organisations, les parcours de soins en fonction des besoins des personnes. Cela favorise ainsi des prises en soins plus personnalisées. 

Pourquoi est-ce si important de se saisir de cette question ? Et en particulier dans un contexte d’HAD ?

CBC : Depuis quelques années, des hôpitaux avec hébergement se sont engagés dans cette démarche. L'HAD, en tant qu'établissement sanitaire devait se saisir de cette opportunité afin de faire évoluer son organisation, sa façon de prendre en soin en tenant compte de la voix des patients, en les associant  à cette évolution. L'objectif est de proposer une prise en soin plus humaine et plus sécure, bénéfique aussi bien pour le patient, que son entourage ainsi que pour les professionnels.

Cela a d'autant plus de sens que nous intervenons à domicile, lieu de vie et d'intimité des personnes.

Hospitalisation à domicile

Comment voit-on rapidement (en quelques coups d’œil) si une structure est "formée/sensibilisée" à l'expérience patient ?

AK : L’expérience patient se développe de façon croissante dans notre système de santé mais la plupart du temps de façon spontanée grâce au volontarisme de quelques-uns. Rares encore sont les structures qui déploient une véritable stratégie de façon coordonnée avec les moyens humains appropriés. C’est pourtant la seule façon d’adresser la question de l’expérience patient de façon globale, structurelle et pérenne.

CBC : Cela peut se voir très vite, par une démarche d'accueil personnalisée. La qualité de l'écoute et de la relation, la bienveillance et l'empathie des professionnels sont également de bons indicateurs. Cela se manifeste également par la façon dont sont pensés et conçus les espaces, les documents produits à l'attention des patients... Tous ces aspects sont particulièrement importants, et plus encore dans ce moment de profonde vulnérabilité des personnes touchées par une maladie. Bien sûr tout cela doit être pensé et construit avec des patients. Ce sont les personnes directement concernées qui peuvent nous guider pour adapter au mieux, et avec elles, nos organisations.

Quelle réflexion, constat ou expérience est à l'origine de la création de l'IFEP ?

AK : L’IFEP est née d’une volonté de mobiliser les énergies de tous (professionnels, patients, institutions, associations) autour de méthodes participatives pour transformer la prise en charge des patients en partant du concret de leur vécu. Or trop souvent les considérations logistiques, professionnelles ou financières l’emportent sur la prise en compte de l’expérience du patient et de ses proches. Parce que dans un univers complexe et parfois éprouvant pour les professionnels eux-mêmes, il n’est pas évident de garder collectivement une attention de tous les instants pour ce que vivent les usagers. Il faut donc activement mettre en œuvre des démarches organisées qui ne reposent pas que sur la bonne volonté pour répondre à cet enjeu.

Qu’est-ce qui a motivé l’HAD de la Croix Saint-Simon à initier ce programme et qu’est-ce qui a convaincu l’IFEP d’y prendre part ? 

CBC : Cela fait déjà plusieurs années que nous avions envie de nous engager dans cette démarche innovante. Nous avions déjà participé à des expérimentations, comme le patient partenaire par exemple. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les représentants d'usagers. L'étape suivante et naturelle était donc l'engagement dans l'expérience patient. Toutefois nous ne savions pas vraiment comment nous y prendre. C'est pourquoi nous avons sollicité l'IFEP pour nous accompagner dans cette démarche.

Comment l’HAD a-t-elle mobilisé ses équipes autour de cette démarche ? Quelles ont été les étapes clés de la phase de diagnostic et d’expérimentation ?

CBC : L'accompagnement de l'IFEP, sur 6 mois, a été l'occasion pour nous d'entrer dans cette démarche en faisant un temps inaugural et auprès de l'ensemble des équipes de l'HAD. Après avoir constitué un comité de pilotage, composé de différents professionnels et d'une Représentante d'Usager, l'IFEP a fait une "plongée découverte" à l'HAD pendant 2 journées très intenses, il y a eu ensuite un temps de sensibilisation/communication, des ateliers réflexifs qui ont mobilisé l'ensemble des professionnels en interdisciplinarité. Une phase diagnostique s'en est suivie qui a permis de préciser nos pratiques, notre degré d'implication et de maturité dans cette démarche et de déterminer les enjeux pour notre établissement. Nous avons ensuite identifié 3 pratiques que nous souhaitions mettre en œuvre ou faire évoluer et nous avons défini un plan d'action. La mise en pratique s'est déployée sur un peu plus de mois et a associé de nouveaux professionnels dans les groupes de travail identifiés. Des patients ont, bien entendu, été impliqués et ont été invités à faire part de leur regard, de leur vécu sur l'HAD. Cela a été d'une très grande richesse et a permis : 

  • de recueillir l'expérience de patients, précieux retours qui nous aideront à améliorer, toujours plus, nos prises en soin
  • de créer une première "fiche pratique" ayant pour objectif de faciliter le séjour en HAD des patients et leurs aidants
  • de travailler le circuit des appels de l'accueil en vue d'une meilleure réponse téléphonique.

A cette occasion, la création d'un logo "expérience patient" et d'un visuel spécifique, a vu le jour et permettra d'estampiller tous les documents pour mieux accompagner les usagers dans la lecture du livret et des flyers. De plus, des affiches "expérience patient " avec le logo ont été mises dans toutes les salles de réunions afin que tous les professionnels puissent y avoir accès facilement.

Tout cela marque une évolution de notre établissement désormais engagé dans cette démarche que nous voulons bien évidemment poursuivre, renforcer. La voie est ouverte et nous allons envisager la suite de ce groupe pilote avec la création d'un comité expérience patient.

Diriez-vous que c’est une démarche exigeante alors qu’elle paraît évidente (basée sur l’humain) ?

AK : Si c’était évident, tout le monde le ferait car je suis convaincu que tous les acteurs de santé sont préoccupés par le bien-être du patient et de ses proches. Cela demande de maîtriser des pratiques qui s’apprennent au contact d’experts comme ceux de l’IFEP.

CBC : Elle est exigeante car elle demande une méthode rigoureuse pour  sa structuration, son suivi. Elle a demandé de mobiliser du temps et de nombreuses personnes. Toutefois elle a été d'une extraordinaire richesse sur le plan humain, créativité. Elle a été une réelle découverte pour certains professionnels qui souhaitent poursuivre leur engagement dans cette démarche.

C’est aujourd’hui l’heure du bilan, qu’avez-vous retenu de cette phase d’analyse et d’expérimentation au sein de l’HAD ? Quelles pratiques, postures ou dynamiques vous ont marqué ? L'HAD, donnez deux exemples : un pour les soignants, un autre pour les patients, du avant/après ?

CBC : Cette expérimentation a été d'une richesse incroyable, elle a permis de réunir des personnes - patients, aidants, professionnels, RU - de les mobiliser autour d'objectifs partagés pour améliorer la qualité de la prise en soin à l'HAD. Comme je l'ai souligné plus haut, j'ai été impressionnée par cette mobilisation de toutes et tous, de la qualité des productions réalisées en si peu de temps. Cette expérimentation aura permis à de nombreux professionnels de mieux appréhender ce que recouvre l'expérience patient et leur a donné l'envie de poursuivre dans cette voie. Pour les patients, c'est d'avoir pu faire entendre leur voix, parfois pour la première fois. La plupart du temps en tant que patient, on suit ce qui est demandé - de pratiquer tel examen, de suivre tel traitement, d'aller à tel rv - sans réelle attention de la part des professionnels à ce qui est vécu. Le fait d'avoir pu s'exprimer librement sur leur parcours, ce qui est bien, ce qui l'est moins, sur leurs difficultés, leurs craintes, leurs joies aussi, ça a été très fort. Les témoignages en attestent et sont parfois très touchants. C'est parce que l'on a écouté des patients et leurs suggestions que nous avons pu créer ces fiches pratiques. D'ailleurs, c'est en écoutant les personnes que nous avons fait évoluer certains de nos projets.

Expérience patient - Hospitalisation à domicile

Qu’est-ce que cette collaboration vous a appris, en tant qu’institution ? Qu’avez-vous découvert ou consolidé grâce à l’autre ?

AK : La collaboration avec l’HAD-FOCSS a été riche d’enseignements pour nous car la prise en charge des personnes à leur domicile emporte des spécificités que nous n’avions jusqu’ici pas eu l’occasion de travailler sur le terrain. IL existe des contraintes, géographiques en particulier mais aussi des opportunités comme celles d’échanger avec les personnes dans un lieu qui leur est familier et dans lequel elles ne se sentent pas en infériorité. Nous avons également pu mesurer la place particulière de la relation téléphonique dans l’interaction avec les patients compte tenu de la distance et de la logistique des visites.

CBC : Cela nous a appris sur notre capacité à nous mobiliser, en peu de temps, sur un projet commun et à construire les bases d'un projet ambitieux. Nous avons déjà pu mettre en œuvre des pratiques - citées plus haut -   et réaliser des productions de grandes qualités. 

Le témoignage de Mme Ajolet, 69 ans, suivie depuis 6 mois par l'HAD de la Croix Saint-Simon :

 « On m’a questionné sur l’expérience patient et comment on pourrait améliorer la qualité de l’accompagnement en HAD. On m’a notamment consulté pour revoir le livret d’accueil.
Je leur ai dit que selon moi l’HAD est plus humain et convivial que l’hôpital et je leur ai fait part de mes retours sur les points forts et les points négatifs de tout le système HAD. Je trouve que c’est une excellente chose que l’on nous consulte de la sorte, nous patients.
 »