La vaccination expliquée par le Dr Dorenlot

La vaccination permet chaque année de sauver des millions de vies. Pourtant, régulièrement, des polémiques mettent en exergue des risques sanitaires ou des effets secondaires et ont pour effet de déstabiliser nombre de parents. Il est donc fondamental de prendre le temps d’écouter et de rassurer. Entretien avec le Dr Pascale Dorenlot, chef de projet et pédiatre à la Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon.

Comment qualifieriez-vous la vaccination ?

Comme le succès principal de la médecine préventive moderne. Elle a permis de faire baisser de manière considérable le taux de mortalité infantile dans le monde. La très grande majorité des vaccins ont une immunogénécité, c'est-à-dire une capacité à induire le développement d’anticorps spécifiques et de protéger de manière efficace contre les maladies, de l’ordre de 98 à 99%. Seuls quelques vaccins enregistrent de moins bons résultats, le BCG par exemple. Il reste cependant protecteur, notamment contre des formes extra-pulmonaires graves de tuberculose touchant les nourrissons.

Que répondez-vous aux familles qui expriment des inquiétudes par rapport à la vaccination, notamment par rapport aux effets secondaires?

Il faut accepter ces questionnements et y répondre. La médecine, la santé n’échappent pas au phénomène de surabondance d’informations que nous vivons. Les affirmations les plus erronées côtoient les sources les plus pointues. Beaucoup de familles sont perdues.

Il est crucial d’engager le dialogue, de prendre en compte les inquiétudes, d’expliquer.

C’est le travail quotidien de nos équipes, notamment en PMI, où nous accueillons des familles aux profils extrêmement divers. Au-delà de l’intérêt intrinsèque de la vaccination, c’est l’occasion de fonder une relation de confiance et de permettre, y compris aux personnes les plus vulnérables, d’accéder à des connaissances, à des choix éclairés.

Quel regard portez-vous sur les polémiques, notamment le recours à l’aluminium comme adjuvant dans les vaccins ?

La quantité d’hydroxyde d’aluminium contenu dans tous les vaccins proposés au cours des 2 premières années de vie de l’enfant, peut atteindre 2 à 4 mg au total. Ce taux est à mettre en relation avec le taux maximum d’aluminium autorisé dans les aliments qui en Europe est de 1 mg/kg… par semaine ! Les médias jouent ici un rôle essentiel, il faut aider les familles à pouvoir évaluer les relations dans lesquelles on se situe.

Souvent les familles nous demandent « tel vaccin, tel traitement ne comporte aucun risque ? », or le risque zéro n’existe pas. Mais lorsque vous expliquez, que vous proposez aux familles de mettre en relation le risque lié à l’administration de tel vaccin et le risque auquel vous soustrayez l’enfant s’il est vacciné, les familles savent faire leurs choix.

Les vaccins qui sont simplement « recommandés » sont-ils vraiment nécessaires ?

La distinction entre vaccins obligatoires et recommandés crée une certaine confusion et insinue l’idée que les seconds seraient moins utiles que les premiers. Votre question en est la preuve ! D’un point de vue épidémiologique, les vaccins obligatoires sont « historiques », les choix datent d’une époque où diphtérie, poliomyélite, tétanos étaient des causes importantes de décès, aujourd’hui ces maladies restent gravissimes mais nous sommes en décalage en termes de fréquence des personnes touchées. La coqueluche ou la rougeole par exemple sont responsables de plus de décès ou d’hospitalisations graves chez les nourrissons.

Qu’en est-il dans d’autres pays ?

La France est un des derniers pays européens à pratiquer la vaccination dite « obligatoire ».

Ce type de santé publique correspond à une certaine période historique : développer un niveau de vaccination collectif permettant de réduire les risques de propagation de manière conséquente constituait un enjeu crucial. Aujourd’hui, la réflexion initiée par le Haut Conseil de Santé Publique sur le statut des vaccins répond mieux, je crois, aux enjeux que nous vivons, qui sont à la fois sanitaires et de démocratisation des savoirs. La défiance de certaines familles à l’égard des vaccins exprime d’abord un refus de se subordonner à une conduite vécue comme autoritaire ou supposée mue par des intérêts commerciaux. Lorsque vous adoptez une attitude d’écoute et placez, avec la famille, l’intérêt de l’enfant au centre, il est très rare qu’on en reste au refus.

Diriez-vous que nous sommes face à une évolution de société ?

Oui, sans doute, et cette évolution a un « coût » : elle nécessite qu’on donne toute sa place à un travail d’éducation et de promotion de la santé, non pas à mener dans le court terme et sur le registre « publicitaire », mais en profondeur, dans le dialogue, en réponse à chaque situation individuelle. C’est une démarche coûteuse en temps, certes, mais franchement nécessaire, si au-delà des mots on veut réellement et durablement lutter contre les inégalités sociales de santé.